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Le poste d’observation était majestueux et luxueux, comme l’on pouvait normalement s’y attendre à bord du Tradewyn, vaisseau amiral de la Société de Commerce Bornaryn. Une cloison incurvée encerclait le compartiment sur trois côtés, offrant une vue imprenable sur l’immense flotte de cargos qui attendait toujours la permission de descendre dans la faible atmosphère d’une planète orange cendré. Au loin, l’écran de sécurité d’un chasseur stellaire faisait scintiller une grille ionique bleutée au beau milieu du vide cosmique parsemé d’étoiles.

Le fastueux compartiment constituait le genre d’endroit où Tesar finissait toujours par baver de nervosité. Il aspira l’air à travers ses crocs afin de les sécher, puis il suivit son escorte humaine tout près d’un long bar avant de se retrouver face à une femme et deux hommes en train de l’attendre devant le poste d’observation.

Maintenant qu’il était là, à vingt pas seulement de la famille Thul, Tesar fut incapable de comprendre quelle mystérieuse entité l’avait poussé à localiser la flotte marchande Bornaryn. Il avait surpris Maître Skywalker et quelques autres en train d’évoquer le fait qu’il fallait à tout prix avertir la mère de Raynar de la destinée de son fils. Quelques heures plus tard, Tesar s’était senti obligé d’aller s’entretenir lui-même avec Aryn Thul avant de s’éclipser à bord d’un FurtiX Jedi. Cela lui avait semblé être une bonne idée. Du moins, jusqu’à ce qu’il approche de la zone de débarquement du Tradewyn, prenant l’officier de surveillance par surprise et brouillant ainsi l’écran de sécurité du chasseur stellaire de la flotte.

L’escorte de Tesar s’immobilisa à deux pas des trois humains et adressa un salut à la femme.

— Madame Thul. Puis-je vous présenter le Jedi Sebatyne – Tesar Sebatyne.

Vêtue d’une toge de soie bleue chatoyante, Madame Thul était petite et émaciée, avec de longs cheveux noisette et une allure royale. Elle portait une écharpe rouge, jaune et violet.

— Tesar est l’un des Chevaliers Jedi à avoir accompagné Raynar au cours de la Mission. (L’escorte insista sur le mot Mission pour lui rappeler qu’il s’agissait bien de celle durant laquelle Raynar avait disparu.) Il a accepté de laisser ses armes à la consigne.

— Merci, Lonn. Je connais ce nom, répondit la femme.

Devinant que ç’allait être à son tour de parler, Tesar aspira encore plus d’air pour sécher ses crocs – provoquant un léger sifflement qui fit presque tressaillir Madame Thul. L’homme aux cheveux bruns derrière elle agrippa son blaster et fit un pas en avant.

— Désolé. Tesar ne voulait abzolument pas vous effrayer. Mais il fait très chaud ici.

Méfiante, Madame Thul plissa légèrement le front.

— Désirez-vous boire quelque chose ?

— Oui, avec grand plaisir.

Madame Thul patienta un instant, puis proposa :

— Un porto Endorien ? De l’eau-de-vie de Bespin ? Une bière Talhoviènne ?

— Auriez-vous du lait de nerf ? (Le lait empêchait de trop baver.) Peu importe la planète d’origine.

Madame Thul se tourna vers son serviteur.

— Du lait pour le Jedi Sebatyne, Lonn. Quant à moi, ce sera comme d’habitude.

Le serviteur fit une révérence et partit chercher les boissons.

Madame Thul désigna l’homme blond qui se tenait à ses côtés.

— Je vous présente Tyko, le frère de mon dernier mari. (Elle ne prit pas la peine de présenter le garde du corps.) Alors, qu’est-ce que la Société Bornaryn peut bien faire pour vous ?

— Rien de particulier. Sentant qu’il ferait mieux de ménager cette bien frêle femme au sujet de son fils, Tesar se contenta d’ajouter : Tesar a quelques nouvellez à vouz rapporter.

— Des nouvelles ? demanda Tyko.

— A propos de Raynar.

Tyko lui jeta un regard mauvais et fit un pas en avant, dans un geste de protection envers sa belle-sœur.

— Raynar est mort sur Myrkr.

— Oui, fit Tesar. D’une certaine façon.

— D’une certaine façon ? répéta Madame Thul. Vous voulez dire que mon fils est encore en vie ?

— Oui, répondit Tesar. C’est ce que je veux…

— Mon fils est vivant ?

Madame Thul commença à défaillir. Elle se serait même effondrée sur le sol si Tesar n’avait pas accouru pour l’attraper sous les aisselles. Il attendit que le garde du corps lâche son blaster et lui confia la femme.

— D… désolé. (Tesar aspira plus d’air pour sécher ses crocs.) Tesar n’avait pas l’intention de la toucher. Lorzqu’il l’a vue défaillir, il a juste…

— Ce… ce n’est rien. Je vous remercie. (Madame Thul regarda son garde du corps.) Peut-être devrions-nous nous asseoir, Gundar.

— Bien sûr.

Gundar redressa Madame Thul et la conduisit jusqu’à un fauteuil. Tesar voulut les suivre, mais Tyko le saisit pas la poitrine. Tesar réagit à la manière d’un Barabel, refusant d’être effleuré par un étranger. Il agrippa le poignet de Tyko, le remonta jusqu’à son visage et fit adopter à son coude une position pour le moins inconfortable.

— Arrêtez ! s’écria Tyko. Qu’est-ce que vous faites ?

Tesar baissa la tête et dévisagea l’homme d’un seul œil.

— Vouz ne cherchiez pas à défier Tesar ?

— N… non ! (Tyko se tenait sur la pointe des pieds, presque en apesanteur.) Je voulais juste vous parler !

— Nous étions en train de parler, fit remarquer Tesar.

— Seul à seul. (Tyko indiqua le canapé de cuir de krayt dans lequel le garde du corps de Madame Thul venait de l’installer.) Et calmement.

— Mon beau-frère a toujours été extrêmement protecteur, expliqua Madame Thul. (Ses yeux bleus se posèrent sur Tyko.) Ce n’est pas nécessaire, Tyko. Je suis convaincue de pouvoir deviner si le Jedi Sebatyne nous mène en bateau.

— S’il est vraiment un Jedi, dit Tyko. Un Barabel peut très bien se glisser dans le costume d’un autre.

Tesar saisit le doute dans les yeux de Madame Thul et il réalisa qu’il venait de les troubler profondément. Il relâcha le bras de Tyko et se tourna en direction du bar, où le serviteur avait rassemblé leurs collations sur un plateau argenté. Il utilisa la Force pour retirer le plateau des mains du serviteur, avant de le faire flotter jusqu’à Madame Thul.

Il n’y avait plus de doute possible.

— Merci, Jedi Sebatyne. (Elle saisit un petit gobelet de cristal rempli d’un liquide bordeaux et lança un regard amusé à Tyko.) Je crois que ce petit tour de passe-passe témoigne de la bonne foi de notre invité.

Tesar fit flotter le plateau jusqu’à Tyko.

— Il serait difficile de dire le contraire, admit Tyko en prenant un petit verre à bordure dorée, contenant une sorte de liqueur jaune clair.

Tesar, quant à lui, saisit son verre de lait et remit le plateau dans les mains du serviteur, incrédule. Puis il suivit Tyko et rejoignit Madame Thul, avant de s’asseoir sur un tabouret que le garde venait de lui offrir.

— Maintenant, Jedi Sebatyne, parlez-moi un peu de mon fils, ordonna Madame Thul. Que vouliez-vous dire par d’une certaine façon ?

— Son vaisseau s’est écrasé quelque part dans les Régions Inconnues, expliqua Tesar. Il y a eu un incendie.

— Oh. (Madame Thul saisit la main de son beau-frère.) Poursuivez.

— Il a été capturé par un nid d’insectes intelligents, continua Tesar.

— Les Killik ? (Tyko se tourna vers Madame Thul.) Nos agents nous ont fait part de l’existence d’une colonie d’insectes dans les Régions Inconnues.

— Ils se nomment eux-mêmes l’Espèce, clarifia Tesar. Le nid de Raynar est le Unu. C’est le nid principal de la Colonie et Raynar est Unu Premier.

— Pas surprenant. Raynar a toujours été un meneur naturel, dit-elle.

— Toujours, admit Tyko. Qui est ce Unu Premier ? Leur chef ?

— Le terme Voix serait plus approprié, dit Tesar. Il reprézente la Colonie et veille à ce que za Volonté soit faite et respectée.

— Un peu comme un officier principal, si je comprends bien, observa Tyko.

— Cela n’a que peu d’importance, Tyko, dit Madame Thul. Nous nous arrangerons pour qu’il prenne ma place à son retour.

Contrairement à Tesar, elle ne remarqua pas la panique de Tyko.

— Tesar ne penze pas que Raynar puisse revenir, fit-il. Il est trop important aux yeux de la Colonie.

— Bien évidemment qu’il l’est, dit Madame Thul, en s’adressant à Tesar. Combien de temps lui faudra-t-il pour organiser sa relève ?

— Tesar est désolé, fit le Barabel. Il n’a pas été zuffisamment clair. Raynar ne reviendra jamais. Il est UnuThul désormais.

— Etes-vous en train de me dire que mon fils s’est métamorphosé en insecte ? demanda Madame Thul.

— Pas physiquement, répondit Tesar. Mais oui, c’est à peu près za.

— Vous êtes sérieux ? demanda-t-elle, toute pâle.

Tesar acquiesça et la raison de sa visite lui parut enfin limpide.

— Unu zouhaite établir un lien entre la Colonie et le Commerce Bornaryn, dit-il. Un lien confidentiel.

— Et vous êtes l’agent autorisé, c’est ça ? demanda Tyko.

— Pour l’instant, avoua Tesar après réflexion.

Tyko se tourna vers Madame Thul.

— J’ai entendu dire qu’il existe une forte demande de boules éclairantes et de bière ambrée en provenance des Régions Inconnues.

Madame Thul semblait trop perturbée pour pouvoir répondre. Elle se contenta d’acquiescer, vida le contenu de son gobelet et le tendit au serviteur.

— Lonn…

— Mais certainement, Madame. (Lonn saisit le gobelet vide et le remplaça par un autre plein.) J’en ai tout un stock à votre disposition.